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Chronique d'un quotidien ordinaire

Chronique d'un quotidien ordinaire
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30 décembre 2015

Les dessous de l'édition

Quand j'ai créé les Ateliers, j'étais sur une espèce de nuage. Je concrétisais un de mes rêves : avoir ma maison d'édition. Comme je ne voulais pas d'aide, j'ai, parallèlement, monté une association pour lutter contre la désertification culturelle, monter des ateliers d'écriture, de peinture, créer un prix, faire venir des écrivains et des artistes dans ma grande maison du Perche. L'année 2015 a été un réel cataclysme puisque ma maison s'est retrouvée quasi détruite suite à un dégât des eaux et est, encore, à ce jour en chantier. Je ne pouvais donc rien organiser.

Ma maison d'édition ne devait être que numérique. J'ai reçu beaucoup de manuscrits. Je ne les ai pas tous lus moi-même, les laissant pour la plupart à mon petit comité de lecture de bénévoles mais en lequel j'ai toute confiance. Par mail, m'est arrivé un manuscrit dont le titre qui est un prénom m'a fait sursauter. Carla. Carla c'était mon amie d'enfance, des souvenirs heureux malgré une fin tragique puisqu'elle est morte. Intriguée, j'ai décidé de le lire par moi-même . Je l'ai lu d'une traite, et j'ai senti que je tenais une pépite. J'ai rencontré l'auteur et il s'est produit une chose dont rêve tout éditeur : la rencontre avec le nouvel auteur où l'on sait que comme une histoire d'amour, des choses vont advenir. Sylvie Grignon n'était pas juste une femme qui écrivait bien, c'était de plus une belle âme, attachante. Pour elle, j'ai sauté le pas et ai publié son livre en papier. Mais, nous n'avions pas encore de distributeur/diffuseur et nous en avons conclu qu'il fallait attendre d'en trouver un avant de lui donner sa vraie vie. 

Nous sommes devenues amies et elle m'a confiée être atteinte de la maladie d'Hashimoto. Elle avait commencé à recueillir près de huit cents témoignages pour expliquer ce qu'était celle-ci. Elle m'a demandé une seule chose, de ne pas  toucher  une virgule à son texte et j'ai accepté. L'idée, naturellement, s'est imposée de créer une association pour que des malades puissent communiquer via le biais d'un forum que nous avons construit lentement, mais qui va voir le jour en ce début 2016. Et, j'ai publié en papier Hashimoto, mon amour. Ce titre s'imposait tant en référence à Duras, qu'aux conséquences désastreuses de cette bombe atomique, et des catastrophes nucléaires qui ont suivi.

J'ai donc cherché un diffuseur/distributeur. Mais quand on a tout juste deux livres papier, il est absolument impossible de rentrer chez les grands, on m'en a conseillé un et j'ai signé avec lui.

Hashimoto, mon amour a très vite été en rupture de stock, et nous avons fait un second tirage avec un changement d'ISBN puisque nous avons ajouté d'autres mots au livre.

Ce matin, catastrophe, que nous pressentions Sylvie et moi, mais en éternelles optimistes pensions qu'elle n'arriverait pas. Je reçois un appel de la Fnac de Nantes m'apprenant que le livre n'est pas disponible. J'appelle immédiatement le diffuseur et lui demande de m'expliquer pourquoi depuis novembre plus aucune commande n'est honorée. Il se perd dans des explications faseuses et je déverse ma rage sur Facebook et surtout m'excuse, tant j'ai honte, auprès de tous ces gens qui l'ont commandé ou se sont déplacés en librairies, dans les Fnacs pour en repartir les mains vides. Notre cher diffuseur n'avait pas noté le changement d'ISBN. 

Face à cela, je n'avais plus que deux solutions tout laisser tomber ou encore une fois me relever. J'ai, évidemment, choisi la deuxième option. Cette maison est une partie de ma vie, je lui donne tout. Je ne suis pas une femme de demi-mesure. 

Je tiens à remercier tous les gens qui m'ont envoyé leur témoignage de soutien. Surtout cet homme qui m'a appelée de Nantes, il m'a redonné la force de croire que je ne fais pas ce métier pour rien, que je n'ai pas créé Les Ateliers pour rien. Merci à lui, oui merci. Merci à vous tous.

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29 décembre 2015

Saudade

Je voudrais me retrouver, comme avant, lovée dans tes bras, sentir ta respiration, les battements de ton coeur, les vibrations de ton souffle. Je voudrais regarder tes mains quand tu peins, me noyer dans les coulures et leurs couleurs. Je voudrais te rejoindre Place Clichy, j'apporterais une bouteille de champagne, nous la boirions d'un trait comme si notre soif provenait du désert. Puis, tu ouvrirais une bouteille de Bordeaux, tu parlerais avec ton accent inimitable, tu dirais que plus rien ne va dans ce pays, qu'il est temps que tu partes, toi l'étranger venu si jeune en France. Tu me parlerais de Roman et tu pleurerais. J'essuierais tes larmes avec mes doigts, avec ma bouche, avec mon âme. Nous parlerions de déchéance de nationalité ce qui nous amènerait de manière nécessaire à la déchéance. Tu me dirais que nous sommes déchus, des anges déchus, sortis d'un paradis qui n'existe pas. Tu sortirais ton passeport, tu me demanderais si j'ai le mien. Si je veux bien partir. Tout de suite. Maintenant. Prendre le premier avion. Le premier annoncé sur la ligne des départs. Tu dirais Roissy, allons à Roissy en ouvrant une autre bouteille de rouge. La nuit tomberait sur nous comme sur le ciel de Paris. Différemment. Sur nous. Tu aurais oublié les verres et nous boirions à même la bouteille, au goulot comme deux enfants qui ne seront jamais sages. Je renverserais un peu de vin sur ma robe et tu en rirais. Tu regarderais ma montre en affirmant qu'il est temps de faire les bagages. Je te répondrais que nous partirons sans rien. Tu rirais. Plus fort. Tu me parlerais de ton amour pour Lui que je connais pas. Il est devenu ta vie. Tu m'expliquerais comment il a bouleversé ton existence, ce jeune de moins de vingt ans. Tes yeux s'embueraient et tu répéterais je suis déchu. Je n'ai plus ma place nulle part. Tu me parlerais pour m'expliquer ma chance d'être libre.Il se peut qu'etre plaquée par quelqu'un soit en fait quelque chose qui soit un vrai bonheur.
 Que tout ce qui arrive est nécessairement bon. Puisque c'est ce qui ne pouvait pas manquer d'arriver. Rien n'arrive par hasard. Il y a nécessairement un enchainement causal derrière. Tu insisterais en prononçant ses mots : "si tu analyses un peu ta relation finie tu verras bien qu'elle ne pouvait pas durer.
Il est donc une bonne chose que ce soit fini. Tout dépend de l'attitude avec laquelle tu la prends." Je te dirais que la seule attitude est la posture de la grâce. Que tu as raison. Tu me prendrais la main, il est tard nous allons manquer notre vol. Je resterais allongée sur le tapis persan, les yeux perdus dans les moulures du plafond. Le téléphone sonnerait. Tu te lèverais pour répondre. J'entendrais "querido, mi amor

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" puis n'écouterais plus. Ta voix se perdant dans les pièces traversantes de l'appartement. Je m'endormirais sans m'en rendre compte et me réveillerais près de toi, bien plus tard, couchée contre toi dans le grand lit. Le passeport sur mon corps comme une invite au départ. Je me rendormirais et prendrais le premier rêve pour Cuba.

28 décembre 2015

Les trois jours les plus longs ?

Ceux qui nous séparent de ce saut dans une nouvelle année. Peut-on dire que nous souhaitons tous y être ? Sans doute. Année 2015 horrible entre les attentats (les amis perdus tant à Charlie qu'au Bataclan), la montée du racisme, la violence, la percée si évidente du FN, la sidération dans laquelle nous sommes encore plongés. Il est loin le temps de l'innocence qui n'existe, par ailleurs, pas pour tous. 

L'enfant, hier rentre tard, et m'apprend qu'elle a été malade et n'a pas osé m'appeler. A mon tour, aujourd'hui, mon corps me lâche, trop de tensions, de prises sur soi, corps si tendu qu'il se révolte. Thé à la mente est la boisson du jour. Pas aussi bon que celui bu à Casablanca et qui reste le goût d'une madeleine, pris dans ce bidonville où l'on m'avait invitée. Curieux séjour où j'ai découvert le vrai Maroc et non celui si trompeur vu par les touristes. La pauvreté, la misére, la détresse de ces femmes qui n'ont aucun droit. Pas aussi bon non plus que celui que je fais avec la menthe des jardins. Mais, doux et apaisant.

Ce matin, livraison des livres qui seront lus ou non lus et critiqués. J'aime ce verbe transitif à plusieurs sens. Critiquer : définition de l'internaute, une des plus mauvaises sans doute, mais je n'ai pas le courage de chercher mon Robert. Il me faudrait descendre deux étages et mon état pitoyable me retient dans la chambre.

J'aime faire des chroniques, je me sens infiniment libre dans ce jeu d'écriture. Je mets un point d'honneur à lire de la première à la dernière page le livre que jai choisi dans la pile. Ce qui peut, se révéler parfois, mortellement ennuyeux.

C'est l'heure des bilans de fin d'année, j'en lis un peu partout sur les réseaux sociaux. Je n'ai aucun bilan à faire. Je vis au présent. Pourtant, le titre de cet article porte sur  ces trois jours. Il s'agit plus d'attente que de bilan. De saut dans une autre date qui, pourtant, ne changera rien. Je déteste les 31 décembre, les fêtes et les cotillons, les embrassades forcées, les voeux faux. Bonne année. Il faudrait le penser vraiment, le ressentir dans toutes les fibres du corps pour le dire. Nous banalisons, bien souvent, ce souhait, comme nous banalisons tant de choses. 

C'est aussi l'heure des résolutions que bien, évidemment, personne ne va tenir. Je n'en ai, jamais, prise aucune et ne vais pas commencer aujourd'hui. Ma seule résolution est de ne pas en prendre. Donc, comme je suis honnête, en écrivant ceci, j'en prends nécessairement une.

E. me disait  : "on trouve tout dans Descartes, c'est un peu comme à la Samaritaine". Je dis à l'enfant "on trouve tout dans Mozart". Je vous laisse avec lui.

Mozart - Symphonies No. 25, 29, 35, 36, 38, 39, 40, 41 (Bernstein)

27 décembre 2015

Correspondance

Cette lettre me bouleverse. J'ai eu une longue correspondance épistolaire avec B. Je lui ai demandé (à son décès, elle sera entre les mains de son exécuteur testamentaire) de ne pas la publier de mon vivant. J'ai fait la même requête à l'enfant, lui expliquant que je voulais garder ses mots secrets, cette part de temps de l'amour entre lui et moi secret, même après ma mort. L'intime ne se dévoile pas, ainsi. L'enfant a répondu mais c'est une correspondance d'écrivains. Il est vrai que sans les lettres, les journaux, il nous manquerait un je ne sais quoi de palpable. Dans une correspondance, il y a un sens, et si on le brime après notre mort, ne devient-il pas censure ?  Nous les avions écrites dans l'emportement, la passion, la souffrance d'une jalousie partagée. Je l'ignore encore. B. est toujours vivant, je tiens encore debout. Que deviendront ces près de mille lettres ? Se retrouveront-elles sur le net comme celle de Duras ? Ou finiront-elles moisies dans un endroit sombre ? 

Curieux dimanche où j'aurais pu écrire cette phrase dans  un passé si proche qu'il pourrait être présent.

"S’il arrive que j’aie le courage de me tuer je te le ferai savoir. Le seul empêchement est encore mon enfant. "

Lettre de Marguerite Duras à Yann Andréa :

"23 décembre 1980

Yann, C’est donc fini. Je t’aime encore. Je vais tout faire pour t’oublier. J’espère y parvenir. Je t’ai aimé follement. J’ai cru que tu m’aimais. Je l’ai cru. Le seul facteur positif, j’espère, me fera me détacher tout à fait de toi c’est celui-là, ce fait que j’ai construit l’histoire d’amour toute seule. Je crois que tu m’aimes toi aussi mais pas d’amour, je crois que tu ne peux pas contenir l’amour, il sort de toi, il s’écoule de toi comme d’un contenant percé. Ceux qui n’ont pas vécu avec toi ne peuvent pas le savoir. J’ai aperçu quelque chose de ça lors de la première scène à Deauville. – Je me suis dit : mais avec qui je suis ? Et puis tu as pleuré et ça a été colmaté. Mais je n’ai pas oublié cet effroi. Je voudrais que tu saches ceci ; ce n’est pas parce que tu dragues et que tu en passes par le cérémonial pitoyable des pédés que je te quitte.

Tout serait possible, tout si tu étais capable d’aimer. Je dis bien : capable d’aimer comme on dirait capable de marcher. Le fait que tu ne parles jamais, ce qui m’a tellement frappée, vient de ça aussi, de ce manque à dire, d’avoir à dire. Peut-être est-ce un retard seulement, je l’espère. Tu n’es même pas méchant. Je suis beaucoup plus méchante que toi. Mais j’ai en moi, dans le même temps, l’amour, cette disposition particulière irremplaçable de l’amour. Tu ne l’as pas. Tu es déserté de ça. Je vais essayer de te trouver un travail à Paris ou ailleurs, un travail qui te convient. Je veux bien te louer une chambre à Caen où tu as tes vrais amis, […] ceux qui te connaissent depuis toujours, qui ne peuvent plus vivre ce leurre de l’été 80 à Trouville vécu par moi. Je ne te laisserai pas tomber. Je t’aiderai. Mais je veux me tenir à l’abri de cette aridité qui sort de toi et qui est carcérale, intolérable, épouvantable. Je ne sais pas de quoi elle procède, je ne peux pas la décrire, sauf en ceci : qu’elle est un creux, en manque, en vide à côté de quoi ma méchanceté par exemple, est une prairie, un printemps. Vivre avec toi, à coté de toi, non, c’est impossible.

Tu m’as écrit pendant des années justement parce que j’échappais à cette indécence d’exister. Je t’aime Yann. C’est terrible. Mais je préfère encore être à t’aimer qu’à ne pas t’aimer. Je voudrais que tu saches ce que c’est. Quel été, quelle illusion, que c’était merveilleux, ça ne pouvait pas continuer, ce n’était pas possible, seules les erreurs peuvent prendre cette plénitude. Je ne sais pas quoi faire de la vie qui me reste à vivre, très peu d’années. Le crime c’était ça : de me faire croire qu’on pouvait encore m’aimer. En retour de ce crime il n’y a rien. S’il arrive que j’aie le courage de me tuer je te le ferai savoir. Le seul empêchement est encore mon enfant. Je t’aime

Marguerite."

 

 

 

 

27 décembre 2015

L'entre-deux

Curieuse sensation en ce dimanche d'après Noël. Premiers gestes au réveil quasi mécaniques : presser mes oranges, pendant que l'eau de la bouilloire chante. Déposer avec une minutie quasi maniaque, après avoir ébouillanté la théière, les feuilles du Lapsong. Monter le plateau et s'offrir le plaisir du petit-déjeuner au lit.

Mettre immédiatement de l'opéra. Norma par Callas.

Ne pas, encore, ouvrir les volets.

Seule, dans la maison, je savoure le silence bercé par la musique. 

Je jette un regard rapide sur Facebook, et je n'ai pas envie de commenter l'actualité, le débat sur la déchéance de nationalité attendra demain.

Le chat saute sur mon lit, ronronne, Besssou endormie n'est pas jalouse. J'ai envie de partir loin de Paris. Noël est, à peine, passé qu'on me demande déjà, que fais-tu au réveillon ? Fêtes obligatoires. Je réponds, je n'en sais rien, attendez, oui attendez, il est encore trop tôt. 

Temps suspendu.

Comme toujours, d'autres mots en tête. Ceux de ma pièce de théâtre, mais mon livre vient de sortir et je dois m'en occuper. L'écrivain doit assurer le service après-vente. C'est, d'ailleurs, assez juste. On écrit, mais on doit vendre. C'est la règle du jeu.

L'éditrice doit penser aux livres à paraître en 2016.

Je compte les jours. Ne plus lire la date, ne plus jamais voir apparaître 2015. Ne plus penser à cette année maudite par tous.

Dimanche. Profitez de ma solitude. Lire, écrire, regarder un film. Mais, ne rien faire par obligation.

J'aimerais n'écrire que des fragments.

Hier, j'ai retrouvé par hasard le dvd de "Lettres d'amour en Somalie". En le regardant, je pensais que toutes les phrases de Frédéric Mitterrand faisaient écho en moi. Une rencontre ratée, on devait se voir avec Ramon Alejandro (son peintre préféré m'avait-il dit), de reports en reports tant il était occupé, ministre de la Culture, le dîner n'a jamais eu lieu. Ramon en a été vexé, maintenant il est à Cuba. Il n'y aura plus jamais ce dîner. Mitterrand est passé à côté du présent.

La voix de Callas est magique, je me demande toujours pourquoi certains ne l'aiment pas. Mais, je n'entre plus dans des débats vains et stériles.

J'ai relu le syndrome, et pourquoi ? Oui pourquoi ? Ce n'est plus à moi de le lire, il ne m'appartient plus.

L'entre-deux ou d'un mot à l'autre, d'une note à l'autre, d'une image à l'autre...

 

 

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