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Chronique d'un quotidien ordinaire
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29 décembre 2015

Saudade

Je voudrais me retrouver, comme avant, lovée dans tes bras, sentir ta respiration, les battements de ton coeur, les vibrations de ton souffle. Je voudrais regarder tes mains quand tu peins, me noyer dans les coulures et leurs couleurs. Je voudrais te rejoindre Place Clichy, j'apporterais une bouteille de champagne, nous la boirions d'un trait comme si notre soif provenait du désert. Puis, tu ouvrirais une bouteille de Bordeaux, tu parlerais avec ton accent inimitable, tu dirais que plus rien ne va dans ce pays, qu'il est temps que tu partes, toi l'étranger venu si jeune en France. Tu me parlerais de Roman et tu pleurerais. J'essuierais tes larmes avec mes doigts, avec ma bouche, avec mon âme. Nous parlerions de déchéance de nationalité ce qui nous amènerait de manière nécessaire à la déchéance. Tu me dirais que nous sommes déchus, des anges déchus, sortis d'un paradis qui n'existe pas. Tu sortirais ton passeport, tu me demanderais si j'ai le mien. Si je veux bien partir. Tout de suite. Maintenant. Prendre le premier avion. Le premier annoncé sur la ligne des départs. Tu dirais Roissy, allons à Roissy en ouvrant une autre bouteille de rouge. La nuit tomberait sur nous comme sur le ciel de Paris. Différemment. Sur nous. Tu aurais oublié les verres et nous boirions à même la bouteille, au goulot comme deux enfants qui ne seront jamais sages. Je renverserais un peu de vin sur ma robe et tu en rirais. Tu regarderais ma montre en affirmant qu'il est temps de faire les bagages. Je te répondrais que nous partirons sans rien. Tu rirais. Plus fort. Tu me parlerais de ton amour pour Lui que je connais pas. Il est devenu ta vie. Tu m'expliquerais comment il a bouleversé ton existence, ce jeune de moins de vingt ans. Tes yeux s'embueraient et tu répéterais je suis déchu. Je n'ai plus ma place nulle part. Tu me parlerais pour m'expliquer ma chance d'être libre.Il se peut qu'etre plaquée par quelqu'un soit en fait quelque chose qui soit un vrai bonheur.
 Que tout ce qui arrive est nécessairement bon. Puisque c'est ce qui ne pouvait pas manquer d'arriver. Rien n'arrive par hasard. Il y a nécessairement un enchainement causal derrière. Tu insisterais en prononçant ses mots : "si tu analyses un peu ta relation finie tu verras bien qu'elle ne pouvait pas durer.
Il est donc une bonne chose que ce soit fini. Tout dépend de l'attitude avec laquelle tu la prends." Je te dirais que la seule attitude est la posture de la grâce. Que tu as raison. Tu me prendrais la main, il est tard nous allons manquer notre vol. Je resterais allongée sur le tapis persan, les yeux perdus dans les moulures du plafond. Le téléphone sonnerait. Tu te lèverais pour répondre. J'entendrais "querido, mi amor

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" puis n'écouterais plus. Ta voix se perdant dans les pièces traversantes de l'appartement. Je m'endormirais sans m'en rendre compte et me réveillerais près de toi, bien plus tard, couchée contre toi dans le grand lit. Le passeport sur mon corps comme une invite au départ. Je me rendormirais et prendrais le premier rêve pour Cuba.

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